C’est le 26 octobre 1961 que l’Union départementale CGT devint la Confédération Générale du Travail de la Guadeloupe. Elle se sépara donc de la CGT française, avec laquelle elle entretient jusqu’à nos jours, un rapport de coopération et d’entraide qui fut réaffirmé publiquement à plusieurs reprises, et notamment à l’occasion du 1er mai 2001 à Marie-Galante, en présence de camarades de la CGT.
La CGTG sous l’oppression coloniale. Le massacre de mai 67.
Pendant toute la période d’après guerre et jusqu’à la fin des années soixante-dix, les militants de l’UD-CGT, et de la CGTG furent mis à rude épreuve. Le pouvoir colonial réprimait directement ou sournoisement. Les militants ouvriers dans les entreprises et dans les champs étaient systématiquement fichés et mis à l’index. Un véritable climat policier avait été institué. Les militants les plus actifs et les dirigeants étaient sous surveillance policière permanente. C’est ainsi que l’un des dirigeants de l’UD-CGT puis de la CGTG, Hermann Songeons, fut plusieurs fois emprisonné en raison de ses activités syndicales et politiques.
Le point culminant de la répression fut le massacre des 26 et 27 mai 1967 où l’armée coloniale française tira à vue sur des dizaines de jeunes et de travailleurs. La fusillade fut enclenchée alors que les ouvriers du bâtiment étaient en grève et réclamaient 2 % d’augmentation de salaire. Ils s’étaient rassemblés, ce 26 mai, devant la Chambre de Commerce, située alors à proximité de la Place de la Victoire. Il y eut des dizaines de morts et de blessés. Des dizaines de jeunes et de travailleurs furent arrêtés, jugés sommairement et emprisonnés pendant que plusieurs militants politiques du GONG (Groupe d’Organisation Nationale de la Guadeloupe), organisation nationaliste, étaient emprisonnés et déportés à la prison de la Santé à Paris.
Ces événements marquèrent profondément toute une génération de travailleurs, de militants, de jeunes. À la CGTG, malgré une période de découragement, les camarades firent face et continuèrent courageusement à militer au sein de la classe ouvrière, malgré tous les aléas de la répression et une certaine dispersion des militants due à cette même répression.
…Et la lutte syndicale se poursuit
Le premier secrétaire général de la CGTG fut Nicolas Ludger, qui quitta la confédération en 1967 pour créer la CGTU. Il fut alors remplacé par le secrétaire adjoint, Herman Songeons, lui-même remplacé en 1975 par Claude Morvan. Ce camarade resta à ce poste jusqu’au 18 Janvier 2002. Il se retira alors et fut remplacé au poste de secrétaire général par Jean Marie Nomertin, ouvrier agricole de la banane, qui est le secrétaire général actuel. Claude Morvan continue cependant de militer au sein de la Fédération du bâtiment, dont il est le secrétaire général.
Une autre personnalité marquante de la CGTG fut Albert Leroy, venu en Guadeloupe en 1966 pour diriger une école syndicale du soir. A partir de 1972, il s’établit en Guadeloupe et exerça la fonction de Secrétaire Confédéral.
Au cours de ces années, la CGTG connut certaines difficultés, dues à la création et à la concurrence de syndicats indépendantistes. Dans les années 70 furent fondés les premiers syndicats nationalistes, dont certains militants étaient, eux aussi, issus de la CGTG : en 1970 l’UTA (Union des Travailleurs Agricoles), en 1972 l’UPG (Union des Paysans de la Guadeloupe), et l’UGTG en 1973.
A cela, s’ajoutait le fait que plusieurs camarades responsables avaient démissionné à la fin des années 60, suite à des divergences. Les dissensions au sein du PCG avaient eu des répercussions à la CGTG.
Nicolas Ludger démissionna. Paul Tomiche, aussi qui créa le MASU. Dans le commerce, Calif adhéra à la CFDT. Fraternité Ouvrière avec Théodule Destival mena une existence indépendante parmi les ouvriers du bâtiment.
La CGTG continua cependant de se maintenir tant bien que mal, avec un groupe de militants dévoués qui luttèrent pour le renforcement de la confédération.
L’une des difficultés qui entrava le renforcement de la CGTG fut, à partir des années 80 une mutation progressive de la classe ouvrière de l’île. Les usines à sucre avaient fermé, pour n’en laisser que deux actuellement : Gardel et Grande Anse à Marie-Galante. La surface cannière fut réduite et la mécanisation fit quasiment disparaitre les coupeurs de canne et les amarreuses. Les békés se sont reconvertis alors dans les plantations de banane qui remplacèrent la canne surtout entre Petit-Bourg et Saint Claude. Le syndicat CGTG des ouvriers de la banane renaquit et se renforça considérablement, notamment au cours de plusieurs grèves et luttes mémorables. Mais depuis quelque temps plusieurs plantations de banane ont fermé, mettant au chômage des centaines de travailleurs agricoles. Du coup, cette situation affecte le syndicat des ouvriers de la banane dont les travailleurs se trouvent en nombre réduit. Le prolétariat n’est plus concentré dans le secteur agricole.
Des zones comme Jarry prennent de l’ampleur, où les travailleurs se concentrent dans des petites entreprises et dans des emplois souvent précaires. Le chômage s’est accru, frappant en priorité les femmes et les jeunes qui émigrent massivement vers la France ou n’obtiennent que de petits boulots, et des contrats à durée déterminée.
La CGTG fut confrontée à la crise et à une certaine démoralisation des travailleurs, qui entrainèrent un recul de la syndicalisation en Guadeloupe comme ailleurs dans le monde. Pour la CGTG c’est grosso-modo entre la fin des années 60 et 1e début des années 80 que la force du syndicat marqua le pas, malgré le dévouement des dirigeants de l’époque dont Claude Morvan, Leroy et d’autres.
La Confédération, jusque là majoritaire, perdit des sièges aux Prud’hommes au profit de l’UGTG à Pointe à Pitre, alors qu’elle restait majoritaire à Basse Terre. Les élections prud’homales suivantes suivirent le même cours.
Fort heureusement, les luttes et la volonté farouche de certains militants de renforcer le syndicat malgré la crise économique renversèrent progressivement la tendance et la CGTG recommença à progresser.